Interview Eric Laisne #2

Eric ayant déjà répondu à une interview « classique », il va se prêter au jeu du portrait chinois. Merci à lui. Si tu étais un style ou un genre littéraire ? Je serais un transgenre littéraire, car mes univers touchent aussi bien à la littérature blanche, qu’à l’imaginaire ou aux récits historiques. Je n’ai pas vraiment de frontière, alors pourquoi me mettre dans une case ? Si tu étais un art ? La prestidigitation. L’art de l’illusion, de perdre celui qui nous fait face, l’amener vers un point qui n’est pas la bonne direction pour le perdre dans un univers qui n’a rien de réel… N’est-ce pas là le propre de narration ? Si tu étais un livre ? Je serais livre d’or. Un ouvrage qui, contrairement à ce que son nom indique, a peu de valeurs aux yeux d’un éditeur. Pourtant, c’est un formidable recueil de témoignages terriblement humains sur les étapes importantes (heureuses ou dramatiques) d’une vie. Certains mots sont maladroitement emprunts du message d’à côté, d’autres révèlent une maîtrise de la langue particulière, la graphie d’une main tremblante, cherchant à tâtons, la bonne formule ou l’écriture de « médecin » furtive, pressée par le temps, à peine lisible. Toutes ces hésitations, ces doutes, ces déterminations à écrire quelque chose de sincère, ce sont des passages que je vis dans ma période actuelle de réécriture. Si tu étais une émotion ? Je serais une émotion forte… origine de nos petits faibles. Si tu étais un animal ? J’en suis déjà un. Non répertorié. Si tu étais un végétal ? Je serais une plante carnivore mais végane (rebelle enracinée). Si tu étais un sens ? Je serais… un contresens 🙂 J’aime beaucoup prendre le contre-pied des choses, aller à contre-courant et justement, me méfier de ce que nos sens (bien perfectibles comparés à ceux des animaux) et celui des mots (parfois multiples) nous indiquent. Merci Eric. Nous allons maintenant te poser quelques questions concernant tes écrits découverts dans ce numéro : Tu as été sélectionné pour ce treizième numéro avec ta nouvelle Conte à rebours, peux-tu expliquer sa genèse ? Conte à rebours est née d’une microfiction du même nom écrite en 2022 (consultable sur mon compte Instagram… parmi la centaine de mises en ligne). Je ne sais plus si je suis parti du jeu de mots ou s’il est venu après, mais j’avais envie de traiter de la confusion qui peut régner parfois dans la tête d’un auteur quand il écrit son histoire, fait ses plans, dessine ses personnages puis échafaude des rebondissements. Je me suis dit : « Que se passerait-il si les personnages avaient conscience de ce qu’il leur arrive ? Comment réagiraient certains d’entre eux s’ils savaient qu’un écrivain était faiseur de leur destin ? » Associé au jeu de mots et à cette urgence de la création, je me suis très rapidement amusé à inventer un monde confus entre le réel et le fictif. De personne à personnage, il n’y a qu’un pas. Reste à savoir dans quel sens on marche… Pour l’anecdote, j’ai pris beaucoup de plaisir à créer ce monde, ces services secrets « littéraires » avec des références qui me tenaient beaucoup à cœur (Boris Vian, l’OULIPO…), la confusion entre la réalité et l’imaginaire et quelques autres détails (que je ne citerai pas) qui participe au décompte et à l’urgence de devoir, coûte que coûte, écrire une fin. Cerise sur le gâteau, pour créer cette nouvelle, j’ai numéroté mes chapitres dans le sens inverse. Le numéro 1 étant le dernier chapitre ; ainsi, au début, j’avais moi-même du mal à m’y faire ! Tu nous présentes ta nouvelle Out, parue dans L’Indé Panda 12, peux-tu nous raconter ce qui t’a inspiré pour ceux qui ont raté ta précédente interview ? Out est avant tout ma toute première nouvelle publiée dans un magazine (merci les Pandas !) C’est la chronique de cet employé, autrefois modèle, perdu dans cette multinationale qui ne s’arrête jamais. Sous le diktat du résultat et de la performance ininterrompue, Grégoire va, petit à petit, tout perdre : ses repères, ses conditions, ses relations. Out traite à la fois du burn-out et du bore-out que l’on connaît moins. C’est un univers aussi absurde qu’impitoyable, à la Brazil (pour les fans de cinéma), loin du nôtre et pourtant si proche des problématiques de notre société actuelle. Pour finir, peux-tu me parler de ton actualité ? Une sortie récente, un projet sur lequel tu travailles ? Actuellement, je produis une histoire par semaine sous la forme de microfiction sur mon compte Instagram. J’ai dépassé la centaine et en ai encore quelques-unes en préparation. C’est un exercice que je m’impose. Il me permet de continuer à écrire et d’inscrire des scènes ou univers qui me passent par la tête (j’en ai beaucoup). Sinon, j’ai un scoop pour vous : je viens de terminer la phase de correction et relecture ultime de mon recueil de nouvelles. Une page se tourne (en fait, 140 concernant cet ouvrage). Je vais pouvoir passer à la phase édition… et entamer une nouvelle aventure : l’écriture de mon premier roman ! Découvrez Conte à rebours dans L’Indé Panda n°13 Lisez Out dans L’Indé Panda n°12 Retrouvez Eric Laisne sur :

Interview Eric Laisne

Eric a accepté de répondre à nos questions. Merci à lui ! Tu as été sélectionné pour ce douzième numéro avec ta nouvelle Out, peux-tu expliquer sa genèse ? Out est née pendant le premier confinement. Durant ces quelques semaines de rupture, les parts de ma vie professionnelle (qui ne s’est jamais arrêtée pour moi pendant cette période), familiale et personnelle se sont regroupées au même endroit pour s’interroger mutuellement. Depuis plusieurs années, j’ai rassemblé des idées sans connexion les unes avec les autres. Des souvenirs, des rencontres, des phrases ou des situations qui m’ont marqué, mais aussi, de pures inventions, issues d’un esprit créatif nourri par une dizaine d’années d’études en arts plastiques. Ainsi, toutes ces notes s’accumulaient sur mon cloud sans véritable but. Qu’est-ce qui a été le déclic ? Le terme « performance », vocabulaire incontournable des entreprises que je me plaisais à prendre au premier degré ? Ces rencontres que j’ai pu faire dans mes précédents postes de fonctionnaires en total burn-out ou à l’opposé, souffrant d’une absence totale de mission à accomplir (bore-out) ? À moins que ce ne soit l’article que j’avais lu sur ces ouvriers de l’industrie du poulet qui, aux États-Unis, étaient obligés de porter des couches pour travailler non-stop ? Une chose est sûre : toutes ces bribes se sont croisées au moment de ce 1er confinement et ont créé l’étincelle qui a donné naissance à Out. Plus à l’aise dans un registre particulier ? De quoi aimes-tu parler dans tes histoires ?  Je ne pense pas avoir de registre particulier. Je me découvre encore (je ne suis qu’à mes débuts). Mais, je me rends compte que j’aime dérouter les lecteurs et les faire réfléchir. J’aime beaucoup les situations paradoxales et montrer que tout n’est jamais tout blanc ou que du noir peut jaillir la lumière. J’aime beaucoup prendre le contre-pied de certaines opinions toutes faites ou dépeindre des personnalités aux histoires ou aux psychologies plus complexes qu’il n’y paraît. Quand et comment as-tu commencé à écrire ? Te rappelles-tu ta première histoire ? Comme beaucoup d’entre nous, j’ai commencé à écrire à la maternelle… mon prénom. Sinon, plus sérieusement, pendant plusieurs années, je me suis traîné un projet de roman. J’ai peaufiné la trame et passé plusieurs mois à faire des recherches historiques sur le lieu et l’époque de mon intrigue… pour en rester à ce stade. J’avais sans doute eu là une ambition démesurée face à mes moyens et au temps libre qui m’était consacré à l’époque. Quel est ton rythme d’écriture ? J’écris peu, mais très régulièrement. Entre 200 et 2000 mots par semaine environ. C’est dû à mon temps libre, très restreint. Mais je m’astreins à écrire. Et pour cela, je me suis imposé une micronouvelle par semaine sur mon compte Instagram. Ça me permet d’évacuer certaines idées, certaines scènes dont je ne sais que faire et ça me fait garder un rythme d’écriture. Comment construis-tu ton travail ? C’est tout d’abord un processus mental, long. J’ai beaucoup (trop) de scènes, d’histoires, de situations en permanence dans la tête. Quand j’ai trouvé l’enchaînement, la situation, l’effet de surprise, je me lance dans un découpage précis de l’histoire. Plus c’est détaillé, plus ça me rassure. Je ne me lance jamais dans une quelconque écriture automatique sans but (je laisse ça aux surréalistes que j’apprécie énormément, du reste). Je calcule tout. Pas de hasard dans l’écriture pour laisser toute la liberté au lecteur de s’évader… où je le souhaite. Plutôt nouvelle ou roman ? Plutôt nouvelle. Écrire un roman me fait encore peur (faiblesse de débutant ?) et semble incompatible avec les vies pro, familiale et perso que je mène actuellement, même si j’ai quelques beaux synopsis en cours d’écriture. Écrire des nouvelles me rassure. Déjà, ça me prouve qu’avec toutes mes contraintes personnelles, on peut quand même produire une histoire, une scène, une description qui fait réagir. Et ensuite ces formats courts permettent de se tester : avec quels points de vue sommes-nous plus à l’aise ? Quel temps du récit nous vient spontanément ? Suis-je plus à l’aise dans l’écriture de dialogues ou dans l’art de la description ? etc. Et puis je crois beaucoup au format de la nouvelle. Ces histoires courtes correspondent à un certain lectorat d’hommes et de femmes pressés, mais qui, bien qu’ayant du mal à faire rentrer leur vie quotidienne en 24 heures, cherchent, à travers ces quelques pages, un moyen de se projeter ailleurs… sans avoir recours à des casques de réalité virtuelle. Pourquoi être indépendant ? Par nature. Je me suis toujours nourri de contre-cultures et j’ai « le travers » de penser à côté, différemment, avec du recul pour interroger des faits, des situations, des vérités acceptés par tous. Alors, pour l’instant, être indépendant correspond tout à fait à mon état d’esprit. Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce statut ? Pour ce qui est de l’écriture, j’ai davantage un statut de débutant que d’indépendant. Je découvre l’écriture et les petits mondes qui gravitent autour de ce qui est pour beaucoup, une passion, et, pour un plus petit nombre, un métier. Ce qui me plait, dans mon statut actuel, c’est d’écrire sans grandes contraintes hormis celles du cadre imposé lors d’appels à textes ou de concours. Peut-être est-ce différent lorsqu’on est sous contrat avec une maison d’édition… À l’inverse, qu’est-ce qui est le plus dur pour toi ? Même si, pour l’instant, je n’ai rien à vendre, le plus difficile pour moi est de gagner des lecteurs et lectrices. J’aime avoir des retours sur mes récits. Et cela passe par de la promotion. Il faut nécessairement se faire connaître. C’est tout l’art du marketing et des techniques de force de vente, notamment dans le domaine du digital. Même si c’est un domaine qui ne m’est pas étranger, je n’ai déjà pas suffisamment de temps pour écrire, alors si je dois encore le diviser pour vendre mes récits, j’imagine finir… par vendre mes productions au mot, comme un confiseur qui vendrait ses bonbons à la pièce. Quel type de lecteur es-tu ? Je suis un lecteur paresseux et cohérent. En fait, je n’ai que la toute fin de

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