Interview Nicolas Chevolleau #5

Nicolas Chevolleau ayant déjà répondu à une « interview classique », à un portrait chinois, à une foule d’interrogations sur ses habitudes de lecture et à la même foule d’interrogations concernant ses habitudes d’écriture, L’Indé Panda a choisi de lui offrir carte blanche pour une tribune sur le sujet de son choix (en rapport avec la littérature, quand même !)   Les commencements ont des charmes inexprimables. Je suis tombé un jour sur ces mots de Molière et ces mots m’ont beaucoup plu. Je crois écrire pour cultiver cette poésie-là et son pouvoir à sublimer la vie en si peu d’espace.   Merci à L’Indé Panda de m’accueillir ici, moi qui ne me sens guère légitime à parler littérature. J’ai 46 ans et j’entretiens depuis toujours un rapport étrange avec le fait d’écrire ou de lire, mélange de fascination et de frustration. S’il est de bon ton de glorifier l’écrit, l’honnêteté m’invite à tempérer ce propos. Homme de l’échec scolaire, puis de l’accomplissement universitaire, ces deux facettes de mon parcours m’ont rendu ambivalent à l’égard de l’écriture. L’échec scolaire laisse des traces que l’accomplissement hors du monde ouvrier ne vient jamais gommer totalement. Avec l’écriture, j’ai donc choisi d’être économe et de lui donner un caractère, certes amical, mais modeste dans ma vie. Quand l’envie d’écrire m’attrape, chose qui se produit deux à trois fois par an, j’éprouve un sentiment qui ressemble à une joie d’enfant ou à de l’ivresse. Il y a d’abord l’idée, la lumière pourrait-on dire, puis le dessin d’une trame et cette impatience à entrevoir avant l’heure le résultat final. Cette joie est prometteuse autant qu’éphémère. Sitôt l’intrigue lancée, une sensation d’enfermement empoisonne la rédaction. L’histoire progresse le plus souvent dans un goulot d’étranglement, très vite détachée des intentions d’origine. Elle m’échappe dans sa narration, dans son sujet, dans son rythme. Seule la formulation finale paraît me revenir vraiment, ainsi que la satisfaction d’avoir accouché d’une histoire complète. Une fiction est née, mais son achèvement a parfois le goût d’une consolante. Comme beaucoup, je dois composer avec cette frustration d’avoir livré un texte différent du vœu initial. L’écriture exige du lâcher-prise. Évidemment, le plus simple serait de ne pas écrire. Là est l’autre problème. Si l’amour de l’écriture ne m’habite guère, l’idée de ne pas écrire m’est impensable. J’aime les gens, écrire sur ceux que j’aime permet de les garder près de moi. J’aime les sentiments contradictoires, les formuler m’aide à cerner la nature humaine. J’aime ma vie, l’envie d’y mêler d’autres destinées anime mes rêveries. Là où règne le réel, sommeille autant d’irréel. La poésie naît de cet heureux mélange. Écrire permet de la cueillir quand elle paraît trop haute dans les branches pour les autres. Ce charme-là est, à sa façon, lui aussi inexprimable.     Lisez Regardez-moi, garçon dans L’Indé Panda 8. Découvrez L’arbre de Bréda à travers le clip vidéo du livre. Retrouvez Nicolas Chevolleau sur son site.  

Interview Nicolas Chevolleau #4

Nicolas ayant déjà répondu à une interview « classique » , à un portrait chinois et à une foule d’interrogations sur ses habitudes de lecture, il nous dévoile à présent tous ses secrets d’écrivain… Merci à lui ! As-tu des sources d’inspirations particulières ? Tout vient du réel, avec un intérêt grandissant pour l’étrange depuis quelque temps. Je suis aussi attiré par la poésie des instants. Ce que j’aime, c’est le trouble sentimental, la fêlure, l’instant de bascule, autant d’éléments que la littérature tente de saisir avant leur évanouissement. Des habitudes « spéciales écrivain » ? Pas une habitude mais plutôt un mot d’ordre : écrire par envie. Dois-tu consommer des psychotropes pour écrire ? Si oui, lesquels ? Bien sûr, à raison de 24 images par seconde. Le cinéma est une source d’inspiration infinie que j’associe au pouvoir des mots. J’ai en tête une séquence du film  » Au-revoir là-haut »  dans laquelle l’employée de maison jouée par Mélanie Thierry se fond parmi les rosiers. Ma nouvelle  » Les Pas de Louise  » tient l’une de ses inspirations de ce plan. Es-tu du genre à écrire toute la journée en robe de chambre et à te laver une fois par semaine ? Drôle de question, même si je me reconnais assez dans cette image quand je coupe le chauffage ou que j’adopte une chaise un peu bancale. L’inconfort me convient. D’une façon générale, j’adhère à l’idée de la contrainte comme source de créativité. As-tu un stylo fétiche ? Lorsque j’ai offert mon livre à la bibliothèque de Bréda, j’ai reçu de la part du personnel un stylo estampillé sous un vocable néerlandais incompréhensible. L’avoir près de moi rappelle combien une attention vaut tous les trésors du monde. Que préfères-tu dans l’écriture ? Comme je suis de nature mélancolique, une belle journée de pluie me ramène généralement au bercail de l’écriture. La musique produit le même effet. Tout ce que j’aime dans l’écriture, finalement, tient dans ces à-côtés qui conduisent à nous épancher. Y a-t-il une chose que tu détestes par-dessus tout dans l’écriture ? L’idée qu’on puisse juger personnellement un auteur sur un texte fictionnel. As-tu déjà été frappé du syndrome de la page blanche ? Le redoutes-tu ? J’écris si peu que ce syndrome-là ne m’effraie guère. Je suis partisan d’une écriture économe, autant par paresse que par choix personnel. As-tu une méthodologie particulière pour écrire ? L’anarchie règne en maître chez moi. Le plus souvent, ma pensée est déstructurée, laissant libre cours à une chute ou son contraire. L’aléa est une notion qui me tient à cœur et j’apprécie qu’une écriture non guidée permette à l’inconscient de mener la danse. Merci Nicolas. Nous allons finir par quelques questions concernant tes écrits découverts dans ce numéro : Tu as été sélectionnée pour ce 5ème numéro avec ta nouvelle Maman est une espionne, quelle est sa genèse ? Alors là, on est dans le cas typique de mon écriture. J’étais allongé dans le lit et ma première pensée du jour s’est orientée vers un jeu de mots tiré du titre de la nouvelle. J’ai écrit le texte dans la foulée en mêlant la forme enfantine à une certaine gravité du propos. Tu nous présentes ton roman L’Arbre de Bréda, peux-tu nous raconter une petite anecdote concernant un de tes personnages, un lieu, ton roman en lui-même… ? Deux villes sont citées dans le livre, sans qu’aucune ne corresponde au lieu de son action. Bréda est le berceau familial de l’héroïne. Je ne redirai jamais assez l’inexplicable attachement que j’éprouve pour cette ville des Pays-Bas. Quant à Lamadeleine-Val-des-Anges, il s’agit d’un minuscule village du Territoire-de-Belfort d’où sont originaires les aïeux de mon épouse. Pour le géographe que je suis, une telle poésie dans le nom méritait bien d’être mise à l’honneur. Maman est une espionne est disponible dans L’Indé Panda 6 Découvrez L’Arbre de Bréda sur amazon

Interview Nicolas Chevolleau #3

Nicolas Chevolleau ayant déjà répondu à une interview « classique »   et à un « portrait chinois », nous lui posons quelques questions sur ses lectures. Merci à lui.     – Quel est le livre qui t’a le plus effrayé ? Jane Eyre. La folie de l’épouse de Monsieur Rochester m’a longtemps marqué dans l’enfance. À la même époque, j’avais visité le château en ruines de Gilles de Rais à Tiffauges. Autant dire que j’ai eu ma dose de terreur pour un moment.   – Le livre qui t’a fait pleurer ? Un passage de Racines me vient à l’esprit. Après avoir retracé l’histoire de sa famille entre esclavage et émancipation, Alex Haley retrouve, sur un quai d’Annapolis, l’endroit exact où son aïeul Kunta Kinté est arrivé d’Afrique deux siècles auparavant. C’est un beau passage où l’océan et les larmes se fondent dans une même émotion.   – Quel livre ou auteur t’a donné l’envie d’écrire ? Boris Vian, pour sa littérature, sa musique et son art de vivre. Sa découverte au lycée m’a invité à regarder la vie sous un angle surréaliste.   – Ton livre de chevet ? Aurélien, d’Aragon. Le 25ème chapitre. Plus précisément, le dernier mot de la dernière phrase du 25ème chapitre. Un mot de chevet, en somme…   – Le livre que tu as le plus lu, relu et re-relu ? Joker sur le livre, bien qu’il soit adapté d’une œuvre de Pagnol. La version cinéma de Jean de Florette par Claude Berri, suivie de Manon des Sources. Impossible de passer un semestre sans revoir ce film. Sous son accent provençal, la narration emprunte au mythe antique. Il y a le secret familial, l’esprit malfaisant du patriarche, la nébuleuse d’un village soumis au silence, l’amour impossible entre une Belle et une Bête. Et la pluie, toujours, qui se fait cruellement attendre.   – Si tu ne devais en garder qu’un seul ? Les carnets de guerre d’André Mare, ouvrage documentaire qui retrace la vie de ce peintre enrôlé dans une compagnie de camouflage en 1914. Sous l’influence du conflit, ses aquarelles de soldats marquent une évolution de style du réalisme vers le cubisme. Somptueux !   – Et le livre ou l’auteur que tu n’as pas supporté ? Comment le savoir ? Chez moi, les bons souvenirs l’emportent toujours sur le reste.   Merci Nicolas. Nous allons finir par quelques questions concernant tes écrits découverts dans ce numéro : Tu as été sélectionné pour ce quatrième numéro avec ta nouvelle Fleur des pois, saison 73, quelle est sa genèse ? En travaillant sur la projection d’un film documentaire, j’ai découvert l’œuvre de Niki de Saint Phalle. Ses « Nanas », sculptures de femmes girondes et heureuses, respirent la joie de vivre. « Hon » représente une femme monumentale de 23 mètres de long dont les visiteurs peuvent même visiter l’intérieur dédié à l’art et au ludique. En découvrant cette sculpture, l’image de ma mère m’est apparue comme une invitation au rebours à effectuer vers l’origine du monde. J’ai alors découvert cette expression « Fleur des pois » tombée dans l’oubli dont j’adore la poésie. Et zou, voilà ma chère Maman devenue l’héroïne de cette drôle d’épopée. Ce que l’intéressée a elle-même commenté après l’avoir lue : « Eh bien, tu m’en fais vivre des aventures ! »       Tu nous présentes ton roman L’arbre de Bréda : le petit livre qui fait aimer les bibliothèques, la généalogie et les jeunes femmes en robe vintage, peux-tu nous raconter une anecdote concernant un de tes personnages, un lieu, ton roman en lui-même… ? Tout auteur rêve de donner à ses mots la forme d’un livre. Après avoir réalisé une couverture pour mon édition numérique – un camée féminin sur fond de carte IGN –, je suis tombé amoureux d’un cliché de Thomas Allen. Ce photographe américain est connu pour ses pop-up drôles et poétiques à partir de magazines pulp des années cinquante. Avec l’image de cette jeune femme soumise au vertige des livres, je ne pouvais rêver meilleure inspiration pour illustrer mon Arbre de Bréda. Ni une ni deux, j’ai pris mon courage à deux mains et tenté ma chance auprès de cet artiste. Coup de chance, il a gentiment accepté que j’utilise son travail pour la couverture de l’édition papier. La boucle était bouclée, les mots pouvaient prendre leur envol.   Retrouvez Nicolas Chevolleau sur son site. Fleur des pois, saison 73 est disponible dans L’Indé Panda no4. Découvrez L’arbre de Bréda : le petit livre qui fait aimer les bibliothèques, la généalogie et les jeunes femmes en robe vintage sur Amazon.    

Interview Nicolas Chevolleau #2

Nicolas Chevolleau ayant déjà répondu à une interview classique, il va se prêter au jeu du portrait chinois. Merci à lui.   Si tu étais un style ou un genre littéraire ? La bluette, cette façon de célébrer la grandeur amoureuse dans la discrétion. Si tu étais un art ? Ce serait un art de la main. Quelque chose qui touche au bois tel que la menuiserie ou la charpente. Je suis toujours admiratif des œuvres réalisées par les Compagnons du Devoir. Si tu étais un livre ? Il y a quelques années, dans la bibliothèque où je travaille, j’ai trouvé un mot doux glissé entre les pages d’un roman. C’était un billet de rendez-vous échangé entre deux adolescents. Le livre leur servait de communication. Si j’étais un livre, j’aimerais être un écrin pareil. Si tu étais une émotion ? Le trouble amoureux. De prononcer ce mot, je rougis déjà… Si tu étais un animal ? Le busard Saint-Martin. C’est un rapace que j’ai beaucoup observé durant mon adolescence. J’aime son vol rasant, sa silhouette bleutée, sa vulnérabilité (il niche au sol parmi les blés. Les moissonneurs épargnent ses petits en laissant un carré de culture). Si tu étais un végétal ? Ben… un arbre ! Plutôt un arbre tendre, dans ma nature. Ou un arbre généalogique, tiens, puisque c’est mon autre passion. Si tu étais un sens ? Le sens de l’humour. On en manque toujours ! Merci Nicolas. Nous allons finir sur les deux questions habituelles concernant tes écrits découverts dans ce numéro, plus une question bonus :  Tu as été sélectionné pour ce troisième numéro avec ta nouvelle « Bon Dieu Bourdieu ! », peux-tu expliquer sa genèse ? Cet hiver, je rentrais de nuit de mon travail, sous une pluie battante. Un titre disco et estival passait à la radio. Ce décalage m’a inspiré les péripéties d’une famille menacée par la malchance et la fracture familiale. Le ton est à la fois léger et mélancolique. Bon Dieu Bourdieu ! est un clin d’œil à Pierre Bourdieu. Ce sociologue a défini la séparation et la reproduction de classes sociales comme socles de notre société. J’ai moi-même connu ce plafond de verre dans ma jeunesse. Dans les sentiments de Paul pour la jeune châtelaine, je voulais suivre le parcours d’un fils d’ouvrier tenté d’abolir les clivages sociaux. C’est un amour pur, de ceux qu’on ne peut abîmer. Tu nous présentes ton roman « L’arbre de Bréda : le petit livre qui fait aimer les bibliothèques, la généalogie et les jeunes femmes en robe vintage ». Peux-tu nous raconter une petite anecdote concernant un de tes personnages, un lieu, ton roman en lui-même… ? Voici une anecdote délicieuse. Le titre de ma romance fait référence à une ville néerlandaise dont est originaire mon héroïne. Bréda est connu pour ses « Redhead days » plus grand rassemblement de roux d’Europe. Au centre de sa bibliothèque trône un mûrier daté de 1750. Eh bien, crois-le ou non, lorsque j’ai écrit L’arbre de Bréda et choisi une bibliothécaire rousse pour héroïne, j’ignorais ces choses ! Du coup, le livre terminé, je suis allé visiter cette étrange bibliothèque et offrir un exemplaire à son personnel. Inutile de préciser que ce fut un accueil des plus chaleureux ! As-tu une parution prévue pour l’année 2017 ? Si oui, peux-tu nous en dévoiler un peu plus ? Pas de parution dans l’immédiat mais tout plein de projets. Je suis un être lent dans la conception. Quelques idées germent tranquillement dans ma tête. Les laisser trotter, c’est déjà les faire grandir, paraît-il.   Retrouvez Nicolas Chevolleau sur son site. “Bon Dieu Bourdieu ! ” est disponible dans  L’Indé Panda no3. Découvrez « L’arbre de Bréda : le petit livre qui fait aimer les bibliothèques, la généalogie et les jeunes femmes en robe vintage » sur Amazon.

Interview Nicolas Chevolleau

Au tour de Nicolas Chevolleau de répondre à nos questions. Merci à lui. Tu as été sélectionné pour ce second numéro avec ta nouvelle « Le petit chat est mort », peux-tu expliquer sa genèse ? Bonjour Panda, je suis ravi de répondre à tes questions. Mon petit chat est inspiré d’une tirade de « L’Ecole des femmes ». Le hasard a mis trois fois cette œuvre sur ma route l’été dernier. Autant de coïncidences ont fait tilt. J’aime beaucoup la sonorité des mots de Molière dans Le petit chat est mort. Leur simplicité est à la fois tendre et cruelle. J’ai trouvé qu’un tel titre conviendrait à un triangle amoureux sur lequel pèsent le spectre de l’adultère et le pardon. Plus à l’aise dans un registre particulier ? De quoi aimes-tu parler dans tes histoires ? J’ai découvert récemment le terme de Littérature Blanche. Je crois qu’il convient assez à ma forme d’écriture, parfois froide et distanciée. Mes histoires mettent souvent en scène des situations de famille ou des émois sentimentaux entravés. La question amoureuse me passionne le plus. J’aime aussi les enjeux de la filiation. La mélancolie est le fil rouge de mon écriture. Bref, je suis un homme du réel qui écrit probablement comme il vit. Mais je reste un garçon fort sympathique et sociable dans la vie, hein ! Faudra passer à la maison prendre un café. Quand et comment as-tu commencé à écrire ? Te rappelles-tu ta première histoire ? Tard, à l’entrée dans l’âge adulte. J’ai connu l’échec scolaire au lycée. Il a donc fallu du temps avant que j’apprivoise ma relation à l’écriture. J’aimais les mots mais l’impression d’un désamour de leur part dominait notre relation. Du coup, j’ai tissé avec eux un lien complexe mêlé d’envie et de défiance. Aujourd’hui, notre relation est apaisée. Pour autant, si je m’adonne à l’écriture, je ne peux pas dire que j’en tire une totale sérénité. J’envie ceux qui s’épanouissent pleinement dans ce domaine. Ma première histoire ? La saga contemporaine d’une biscuiterie « La Francilienne » qui reprenait les éléments de notre roman national. J’ignore ce que j’en ai fait. Je crains d’avoir mangé les biscuits et jeté la boite ensuite ! Quel est ton rythme d’écriture ? Inégal. En 2016, mazette ! J’ai écrit comme jamais. Deux nouvelles dans l’année. Je n’avais jamais tenu un tel rythme ! Le plus souvent, c’est le grand calme. Comme tu vois, je ne suis pas un bourreau d’écriture. Au meilleur de ma forme, je n’écris guère plus de 500 mots dans une journée. Et après, je relis, je corrige. Puis je relis, je corrige. Enfin je relis. T’as vu, c’est fatigant comme phrase, hein ? Pareil pour moi quand je relis. Ça me prend des semaines. Alors, à la toute fin, je me repose. Et quand l’envie d’écrire me reprend… la saison a déjà changé la couleur des arbres. Le temps de l’écriture n’a décidément chez moi rien de réel. Comment construis-tu ton travail ? De la pire méthode qui soit : l’empirisme. Durant une vingtaine d’années, j’ai beaucoup écrit sur le mode documentaire, dans le cadre universitaire puis dans l’écriture d’articles à caractère historique. Tout n’était que rigueur, ordre et anticipation. Je ressentais le besoin de m’en détacher. Avec la fiction, j’ai voulu tenter une approche anarchique ou poétique de l’écriture : laisser venir les choses. Donc je ne construis rien. Généralement un mot entraîne une phrase puis un texte, etc. Ainsi se dessine une histoire, certes bancale mais toujours sincère. A chaque fois que j’ai élaboré un plan ou anticipé la fin d’une histoire, son dessein n’a pas survécu aux premières lignes de l’écriture. Plutôt nouvelle ou roman ? Les deux mon Capitaine. J’ai d’abord écrit quelques nouvelles. Puis commencé un roman majeur à l’heure actuelle inachevé. Puis achevé un roman mineur qui m’a donné satisfaction. Depuis quelque temps, je reviens à la nouvelle. Au-delà du format de la fiction, je compose des poèmes. Tout tient dans une économie de l’écriture. La redite ne sert à rien. Mes lecteurs ont une vie. Nous ne sommes que quelques heures dans leur emploi du temps. Dans leur cœur, en revanche, se joue l’imprégnation d’un texte. Lire, écrire, écouter de la musique, se nourrir d’art ou de nature, tout compte. L’écrit n’est qu’une voie dans l’accomplissement. Pourquoi être indépendant ? Pour filer l’image de Molière, je dirais que je suis le Monsieur Jourdain de l’autoédition. J’ai écrit un petit livre sans intention de le faire connaître. Puis on m’a encouragé à le diffuser. Je l’ai corrigé, mis en forme, illustré. Et hop direction l’imprimerie pour l’édition papier, et hop Amazon pour le vendre en numérique. Et là, coaaaaa ! Je découvre que je suis un auteur indépendant. Et là, recoaaaa, je trouve ça super chouette et agréable. En m’inscrivant sur les groupes d’entraide, je découvre un univers foisonnant avec une myriade d’auteurs et autant de béta-lecteurs ou chroniqueurs à leurs bons soins. Auteur indépendant, c’est donc ça ? Etre seul en famille. Ah ben oui, alors, je suis auteur indépendant et j’aime ça ! Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce statut ? On regarde rarement l’autoédition sous le prisme de son système économique. En quelques années, la dématérialisation d’Internet a bouleversé la donne traditionnelle de l’édition. Avec un peu d’imagination, beaucoup d’inspiration et énormément de motivation, chacun peut s’affranchir des circuits établis. La libre circulation de la connaissance permet d’atteindre un lectorat à un coût modique pour l’auteur et dérisoire pour le lecteur. La clé tient dans cette modestie. Il ne faut jamais minimiser la contribution qu’un homme apporte à un système. Cette aventure de l’autoédition a aussi révisé mon jugement sur les croqueurs de culture que sont Amazon ou Google. En appliquant la théorie de la longue traîne, leur règle économique permet aux petits de se frayer un passage parmi les grands. Si ces grands loups n’existaient pas, les agneaux que nous sommes n’auraient pas davantage d’avenir auprès des éditeurs traditionnels. Je n’ai qu’un regret : l’économie de l’autoédition n’est pas consolidée au point de compenser la destruction lente de l’emploi dans le domaine de l’édition-impression-librairie. Je rêve d’un modèle économique solide

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