Interview Frédérique Jansois
Frédérique a accepté de répondre à nos questions. Merci à elle ! Tu as été sélectionnée pour ce huitième numéro avec ta nouvelle « Maguie », peux-tu expliquer sa genèse ? « Maguie » est ma première nouvelle, écrite petit bout par petit bout à un moment où le peu de temps dont je disposais ne me permettait pas d’être plus ambitieuse en termes de volume et de réflexion. J’ai retravaillé la chute de nombreuses fois, avant de trouver celle qui, je l’espère, est satisfaisante. Ceci dit, je ne considère pas la chute comme un impératif catégorique de la nouvelle. Mais quand on commence à écrire, je pense important de se conformer à certaines exigences, quitte à les abandonner par la suite. C’est formateur. Plus à l’aise dans un registre particulier ? De quoi aimes-tu parler dans tes histoires ? Pour répondre d’abord concrètement à la question posée, je dirais que, jusque-là, j’ai plutôt fait dans le drame personnel ou familial, mais il faut, je pense, aller plus loin. À mon avis, l’histoire doit être subordonnée à l’intention que l’on poursuit, et qui dépasse l’histoire elle-même. Dans « Pauline Benedict », roman historique, disons linéaire, et aussi dans « Maguie », j’ai écrit une histoire seulement pour écrire une histoire, et, en ce qui me concerne, c’était une erreur. « Pauline Benedict », outre ses défauts, ses naïvetés, propres à un premier roman écrit de façon intuitive, manque, peut-être pas complètement de profondeur, mais presque, parce qu’il est dépourvu d’un thème qui dépasse l’histoire et qui aurait guidé mon écriture. C’est d’ailleurs pour cela que je suis en train de le refondre. Je dirais donc que d’une certaine façon, à partir du moment où le message que l’on veut faire passer est clairement identifié, il s’agit de trouver le type d’histoire qui va permettre de le transmettre au mieux. Quand et comment as-tu commencé à écrire ? Te rappelles-tu ta première histoire ? « Pauline Benedict » est vraiment la première histoire qui est sortie de mon clavier. Ceci dit, j’ai toujours beaucoup lu, et finalement, lire, n’est-ce pas aussi se raconter des histoires ? Il y a toujours une marge entre l’intention de l’auteur et ce que comprend et ressent le lecteur. Je n’ai jamais rêvé d’écrire de la fiction ou quoi que ce soit d’autre susceptible d’être qualifié de littéraire, peut-être parce que je n’ai jamais osé ou pu en rêver. On commence à écrire, je pense, quand on accepte que la vie « normale » ne peut être qu’une vie parallèle à notre vie d’écriture. Ceux qui prennent conscience très tôt de leur singularité à cet égard parviennent, quelquefois, à échapper même à cette vie « normale ». Je ne dis pas que c’est bien ou mal, je dis juste que l’écriture est une activité qui, forcément, marginalise. Quel est ton rythme d’écriture ? J’écris tous les jours, très tôt le matin, avant le réveil du reste de ma famille. Si je trouve un moment dans la journée ou le soir, je le saisis, mais mon emploi du temps est très chargé. Daniel Pennac dit que les moments d’écriture et de lecture sont des moments volés. Dans mon cas, c’est vrai. Comment construis-tu ton travail ? J’ai écrit « Pauline Benedict » et « Maguie » de façon très intuitive, en me laissant emporter par l’histoire, même si j’avais au départ une idée précise du caractère de mes personnages et de la direction que je voulais leur faire prendre. Je travaille à présent de façon plus structurée, même s’il m’a fallu du temps pour comprendre comment opérer. À l’heure actuelle, je ressens l’importance d’écrire en quelque sorte un scénario, un plan des scènes dont j’aurais préalablement établi la signification, en me référant de façon constante à mon thème central, et également aux signes, aux indices, aux images que je veux placer dans mon texte. J’opère à la main plutôt qu’à l’ordinateur. Après ce travail, l’écriture devrait, comme il faut que cela soit, « couler ». Par ailleurs, j’ai très peu lu pendant que j’écrivais « Pauline Benedict » ; c’était stupide et je m’en mords les doigts. Ce livre aurait été meilleur d’emblée. Finalement, tout a été dit et écrit avant nous, aussi est-il non seulement légitime, mais impératif, de connaître les œuvres de nos prédécesseurs, les bonnes comme les mauvaises. Cette connaissance nous éclaire sur le chemin de notre propre écriture. Plutôt nouvelle ou roman ? J’aime les deux genres. Vraiment, tout dépend de ce que l’on a à dire. Je me demande si le roman ne se justifie que pour autant qu’il retrace un parcours dont une nouvelle ne pourrait pas embrasser l’amplitude. Pour tout le reste, le format « nouvelle » ou roman court devrait suffire. Les textes brefs, nouvelles ou romans courts, requièrent à mon avis une plus grande exigence de la part de l’auteur que le roman long, car aucune faute de goût ne peut y être commise. Elle serait trop visible. De ce point de vue, le roman pardonne plus. Même, avec le recul de l’histoire, ces fautes de goût romanesques peuvent paraître touchantes, parce qu’elles révèlent l’homme derrière l’écrivain devenu icône — je pense par exemple aux excès de sentimentalisme d’un Dickens, ou aux très rares, mais réelles concessions de Proust aux préjugés de son époque et de son milieu — ; mais elles n’en restent pas moins des fautes de goût. Pourquoi être indépendant ? La réponse est dans la question… Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce statut ? Avant tout, la liberté qu’il procure, bien sûr ; mais il ne faut pas en faire n’importe quoi. Cette liberté ne doit ni griser ni être trop lourde à porter, auquel cas elle n’est plus liberté et l’on se trouve condamné à écrire sans progresser, ou même à ne plus pouvoir écrire. J’ai aussi aimé la plupart des contacts que j’ai eus avec les auteurs indépendants (ou liés à de petites maisons d’édition) ou avec les lecteurs. Certains d’entre eux sont devenus des amis ; d’autres, ou quelquefois les mêmes, m’ont aidée à progresser, soit directement soit par l’intermédiaire de leurs livres. Enfin, j’ai appris plein de choses sur le plan marketing, que je n’ai