Interview Cyrille Thiers #3

Cyrille ayant déjà répondu à une interview « classique » et à un portrait chinois, nous lui posons quelques questions sur ses lectures. Merci à lui. Avant de répondre à vos questions, je tiens à préciser que, jusqu’à mes 20 ans, je lisais énormément de romans, mais il se trouve que, depuis très longtemps, je lis beaucoup plus de BD que de livres. C’est pourquoi je vais m’autoriser à piocher mes réponses aussi bien en littérature qu’en bande dessinée. Quel est le livre qui t’a le plus effrayé ?  Simetierre de Stephen King. J’avais 14 ans quand je l’ai lu. Je me souviens en avoir fait des cauchemars. Par ailleurs, je dois avouer que j’ai dévoré tous les premiers bouquins de Stephen King jusqu’à Misery. J’adorais ça à l’époque, mais c’est un genre de lecture qui ne m’attire plus du tout aujourd’hui. Le livre qui t’a fait pleurer ?  Je peux me laisser avoir par certains films (par exemple, avec E.T., c’est systématique, chaque fois que je le revois), mais en ce qui concerne les livres, je n’en ai pas le souvenir. Bon, après, il faut reconnaître que ceux que j’apprécie ne sont pas trop faits pour ça (cf. ma précédente interview). Et sinon, en BD, la seule série qui me vient à l’esprit et qui a pu m’embuer les yeux, c’est Le combat ordinaire de Manu Larcenet. Quel livre ou auteur t’a donné l’envie d’écrire ?  L’envie d’écrire me vient clairement de Maurice Leblanc. Mon premier essai de roman (inachevé) quand j’étais ado mettait en avant un personnage ressemblant furieusement à Arsène Lupin. Mais mon obsession à inventer des histoires vient surtout d’Henri Vernes, le très prolifique créateur de Bob Morane. Pour autant, mon rêve ultime serait d’entrer dans le monde de la BD pour écrire des scénarios. Et là, mes maîtres se nomment Hergé, Jean-Michel Charlier et Jean Van Hamme. Ton livre de chevet ?  Si on s’en tient à la véritable définition d’un livre de chevet, je dirais que je n’en ai pas. Par contre, depuis plusieurs mois, il y en a un que j’ouvre très souvent, car je m’en sers de documentation pour mon prochain roman, il s’agit d’un bel ouvrage richement illustré de Laurence Michel qui s’intitule Fabuleuses découvertes en Egypte – Les archéologues et les journaux racontent. Ce livre est une vraie pépite si vous vous intéressez à l’égyptologie. Le livre que tu as le plus lu, relu et re-relu ? Ceux que j’ai le plus relus sont clairement des BD. Tintin, Astérix, Gaston Lagaffe, Blake et Mortimer, Blueberry, Buck Danny, Adèle Blanc-Sec, XIII, Thorgal, Largo Winch. En ce qui concerne les livres, les seuls que j’ai lus plusieurs fois, ce sont tous les Arsène Lupin (au moins trois fois chacun) et certains Bob Morane (notamment les premières histoires avec l’Ombre Jaune). Si tu ne devais en garder qu’un seul ? Je garderais l’intégrale en un volume de Caroline Baldwin par André Taymans : un magnifique pavé de presque mille pages. Même si je ne l’ai pas encore citée, il s’agit de ma série de BD contemporaine préférée. J’anime d’ailleurs un groupe de fans sur Facebook : étonnant, non ?  Et le livre ou l’auteur que tu n’as pas supporté ? Quand j’avais onze ou douze ans, on m’a offert Bilbo le Hobbit de Tolkien en bibliothèque verte : je ne suis jamais arrivé au bout. J’ai réessayé bien plus tard avec une autre édition et je crois que je suis allé encore moins loin dans l’histoire. J’ai trouvé ça vraiment chi… Merci Cyrille. Nous allons maintenant te poser quelques questions concernant tes écrits découverts dans ce numéro :  Tu as été sélectionné pour ce quatorzième numéro avec ta nouvelle Le spectre de l’autocar, quelle est sa genèse ?  Après avoir écrit Mozart est là (voir le n° 12 de l’Indé Panda), j’avais envie d’une histoire du même style, mais qui fasse référence au monde des collectionneurs de BD (Je vous ai déjà dit que c’était ma passion ?). Je suis donc parti d’une anecdote véridique sur des planches originales de Tintin que j’ai mixée avec un morceau de l’intrigue de « Tintin et l’alphart », en la situant dans le Gers, car c’était la contrainte d’un concours de nouvelles auquel je voulais participer. Comme souvent, j’ai modifié le titre quelques jours après avoir terminé la première version. J’ai alors dû retravailler un peu mon texte pour y introduire un autocar… Et voilà. Et donc, si vous comparez cette histoire avec celle de Mozart est là, vous verrez qu’elles ont une structure très très similaire, pour ne pas dire quasi identique.  Tu nous présentes ton roman L’improbable héritage, peux-tu nous raconter ce qui t’a inspiré ?  Pour changer un peu, j’avais envie d’écrire un roman à twist. J’ai pioché l’idée de départ dans un domaine qui m’intéresse beaucoup : la généalogie. Puis j’ai utilisé quelques éléments que j’avais appris sur un peintre célèbre lors de mes recherches pour le tome 2 de La mémoire de l’art. Et enfin, j’ai analysé la structure d’un roman à twist très connu que je ne nommerai pas et qui, soit dit en passant, m’a énormément déçu lors de cette seconde lecture. L’efficacité d’un twist se joue sur un fil. Or, la première version de mon intrigue était trop complexe avec un fort risque de perdre le lecteur. J’ai donc supprimé une grande partie des éléments initiaux en mettant à la poubelle toute la partie liée à la généalogie et je me suis surtout concentré sur les interactions entre les personnages, ainsi que la façon d’amener la chute. J’ai mis du temps à obtenir l’effet escompté, mais je suis sacrément content du retour des premiers lecteurs quant à leur ressenti face aux révélations finales. À noter que, dès le début, j’avais prévu d’adapter ce roman en scénario de BD (Je ne sais plus si je vous ai déjà dit que c’était ma passion ?). Mais, en cours de route, j’ai décidé que ce serait plus simple de faire l’inverse. J’ai donc écrit un scénario complet de 44 planches et je suis ensuite parti de cette matière pour écrire le roman. J’en profite d’ailleurs pour signaler que ce scénario attend toujours

Interview Cyrille Thiers #2

Cyrille ayant déjà répondu à une interview « classique », il va se prêter au jeu du portrait chinois. Merci à lui. Si tu étais un style ou un genre littéraire ? Je n’ai pas trop envie de me restreindre à un seul genre. Alors, je dirais que les ingrédients tels que mystère, aventure, et surtout suspense, sont indispensable à tous mes écrits et lectures. Et si on peut y rajouter quelques touches d’humour, c’est encore mieux. Si tu étais un art ? J’ai toujours été passionné par la peinture, mais mon talent dans ce domaine étant en dessous de zéro, je dois me contenter de regarder ! Je peux tomber en admiration béate devant une toile dans un musée. Et puis, bien souvent, quand on creuse, l’histoire d’un tableau est aussi géniale que le tableau lui-même ! Si tu étais un livre ? Comme j’aime bien faire mon malin, je dirais le diptyque « Le secret de la Licorne/Le trésor de Rackam le Rouge » par Hergé. Il regroupe tous les éléments essentiels que j’ai déjà cités. Tout le monde a en tête plusieurs scènes inoubliables de ce sommet de la BD. Je n’ai d’ailleurs pas pu m’empêcher d’y glisser un petit hommage dans mon dernier roman, « La porte des lions ». Si tu étais une émotion ? La surprise, sans hésiter. C’est vraiment un des aspects majeurs sur lesquels je me focalise quand j’écris. Je cherche vraiment à étonner le lecteur, à imaginer des scènes qu’il n’oubliera pas de sitôt. Si je voulais faire de la psychologie de bas étage, je dirais que c’est probablement pour compenser ma vie pépère dans laquelle j’ai beaucoup plus de mal à surprendre ou être surpris. Si tu étais un animal ? Je n’en ai pas la moindre idée, mais pour coller à mon actualité, je dirais un lion.Aviez-vous remarqué que le lion est probablement l’animal le plus représenté en sculpture ? Si tu étais un végétal ? Au fait, je crois que j’ai complètement oublié de vous dire que je déteste les portraits chinois !Un végétal ? Qu’est-ce que j’en sais, moi ??J’aurais bien une réponse à vous proposer, mais elle est encore plus nulle que la précédente…Tant pis, je me lance. Je dirais donc la « queue de lion » !Comment ? Vous ne connaissez pas ? Dans ce cas, je vous invite à suivre ce lien. Et en plus, vous n’allez pas me croire, mais dans mon bouquin, il y a vraiment une scène qui parle de queues de lion. Si si, je vous jure ! Si tu étais un sens ? Celui qui me paraît le plus indispensable est la vue. Pour lire, pour contempler des œuvres d’art, mais aussi pour admirer de jolies femmes…Oups ! A-t-on toujours le droit de dire ce genre de chose aujourd’hui ?J’en profite pour vous donner un truc que j’utilise pour juger si un de mes dialogues est trop sexiste ou inapproprié. C’est très simple : quand un homme fait une remarque à propos d’une femme, j’inverse la scène et je me demande ce qu’on penserait si c’était la femme qui disait la même chose d’un homme. Le contrepoint est souvent très révélateur…Mais en fait, ce qui est terrible, c’est d’en être arrivé à se poser ce genre de questions. Est-ce qu’on va reprocher à Franck Thilliez que l’un de ses personnages soit un tueur en série qui torture ses victimes ? Non. Par contre, on se plaint que Blanche Neige fasse le ménage dans la maison des sept nains ! Personnellement, si je débarquais sans prévenir dans la maison de sept naines et qu’elles acceptent de m’héberger gratis pendant qu’elles triment toute la journée, ça me paraîtrait plutôt logique de m’occuper des tâches ménagères… On marche sur la tête !La relecture d’œuvres en les sortant de leur contexte m’exaspère. Oui, « Tintin au Congo » est de la propagande colonialiste et évangéliste, mais c’était totalement assumé par Hergé au moment de sa création, en 1930, puisque c’était une demande explicite du père Wallez, directeur du « Petit XXe », le journal dans lequel était publié Tintin. Et donc, oui, forcément, de notre point de vue actuel, c’est raciste. Et non, personne ne trouvait rien à redire, dans les années 30, sur le massacre des animaux sauvages (cf. la scène du rhinocéros et celle des gazelles). Il se trouve qu’aujourd’hui, les mœurs ont changé et c’est tant mieux, mais Hergé s’est inscrit dans SON époque qui n’est pas la nôtre. Alors, je veux bien qu’on mette un bandeau d’avertissement pour les jeunes qui ne disposent pas de cette information de contexte. Mais ensuite, soit on s’adapte à SON époque pour lire SON album, soit on ne le lit pas et on ferme sa gu… Et surtout, surtout : on n’empêche pas les autres d’utiliser leur cerveau pour se faire leur propre opinion !Et, tant que j’y suis, j’en profite pour préciser une fois pour toutes que je refuse que quiconque modifie mes textes après ma mort pour les adapter à la bien-pensance des temps futurs ! (dixit le type qui croit vraiment qu’il y aura toujours des gens qui liront ses bouquins dans cinquante ans…)Bon allez, j’arrête : je crois que ça commence à se voir que je détourne les questions pour dénoncer ce qui me tient à cœur ! Merci Cyrille. Nous allons maintenant te poser quelques questions concernant tes écrits découverts dans ce numéro :Tu as été sélectionné pour ce treizième numéro avec ta nouvelle Ticket gagnant, peux-tu expliquer sa genèse ? J’ai écrit cette nouvelle à l’été 2017 dans le cadre d’un concours dont le thème était « Chance(s) ». Au départ, je voulais écrire une histoire basée sur le combat que mène Robert Riblet, depuis de nombreuses années, contre la Française des Jeux. Il dénonce le fait que les gains des jeux de grattage ne sont pas répartis de façon aléatoire car il a démontré qu’il n’y a qu’un seul gros gain par carnet de tickets

Interview Cyrille Thiers

Cyrille a accepté de répondre à nos questions. Merci à lui ! Tu as été sélectionné pour ce douzième numéro avec ta nouvelle Mozart est là, peux-tu expliquer sa genèse ? En fait, je me suis vraiment mis à l’écriture en découvrant qu’il existait des concours de nouvelles. Ensuite, pendant un an, j’ai participé à tous ceux qui m’intéressaient. Mozart est là est le premier texte que je n’ai pas écrit pour un concours, donc le premier pour lequel je n’ai pas eu besoin de respecter des contraintes (de thème ou de nombre de mots). Malgré tout, comme je suis un peu maso, je me suis moi-même imposé une contrainte. J’avais été souvent frustré au moment de choisir le titre de mes nouvelles : peu d’entre eux trouvaient pleinement grâce à mes yeux. Donc, pour celle-ci, je suis parti d’un titre que je m’étais noté dans un coin, quelque temps auparavant, car je le trouvais amusant. Et ensuite, j’ai tenté de créer une histoire qui s’adaptait à ce titre. J’ai trouvé ce procédé très stimulant. Plus à l’aise dans un registre particulier ? De quoi aimes-tu parler dans tes histoires ?  J’écris des histoires que j’aurais envie de lire. J’ai besoin de suspense, de mystère, d’aventure… Je me revendique pleinement d’un auteur qui a écrit plus de deux cents romans dans sa longue et prolifique carrière. Il s’agit d’Henri Vernes, le créateur de Bob Morane. Quand j’étais jeune, j’ai passé des heures et des jours à rechercher toutes les anciennes éditions de ses aventures. Je m’en suis nourri et ce que j’écris aujourd’hui en contient forcément des traces. Quand et comment as-tu commencé à écrire ? Te rappelles-tu ta première histoire ? Dès l’âge de 13-14 ans, j’ai tenté d’écrire des romans. Mais, chaque fois, j’ai abandonné au bout de quelques pages. Cette envie d’écriture est restée au fond de moi pendant plus de trente ans. Puis fin 2016, j’ai découvert les concours de nouvelles. J’ai participé une première fois, sans être primé, mais en écrivant une histoire dont j’étais très content. Elle s’intitule Le sapin de Noëlle et contient une des chutes dont je suis le plus fier. Je l’ai d’ailleurs présentée à un autre concours, un an plus tard et, cette fois-ci, elle a obtenu un prix. Quel est ton rythme d’écriture ? En ce qui concerne l’imagination (inventer des histoires ou des péripéties), mon cerveau y travaille en permanence et je suis capable de faire murir une idée pendant des mois avant de trouver la bonne façon de la traiter. Mais pour l’écriture, c’est beaucoup plus laborieux, car j’ai besoin d’être bien dans ma tête pour y parvenir. J’alterne donc entre des périodes où je suis incapable de sortir quoi que ce soit et d’autres où les mots jailliront tous seuls, comme par magie. Dans ce cas, je peux passer entre deux et quatre heures par nuit à écrire. Par contre, entre mes deux derniers romans, il s’est écoulé une période d’un an et demi sans la moindre envie. Comment construis-tu ton travail ? Pour écrire un roman à suspense avec une intrigue travaillée, il faut forcément beaucoup de préparation. La première étape dure environ un an : recherches, création et maturation de l’intrigue, puis rédaction d’une première trame. Quand tout est fin prêt dans ma tête, je rédige un séquencier. Il s’agit d’une description plus ou moins détaillée du contenu de chaque chapitre. Ensuite, il me faut environ un an pour écrire un premier jet. Celui-ci est centré sur l’histoire, avec beaucoup plus de dialogues que de descriptions. L’objectif est de vérifier que l’intrigue et le rythme fonctionnent. Pour terminer, j’ai besoin de 4 à 5 mois supplémentaires pour prendre en compte les retours de mes précieuses bêta-lectrices, rééquilibrer les dialogues et les descriptions, ajuster les interactions entre les personnages et intégrer les corrections. Plutôt nouvelle ou roman ? L’immense avantage de la nouvelle est que l’on peut obtenir un résultat en quelques semaines, voire quelques jours. Le gros problème, c’est que peu de lecteurs (en France, en tout cas) sont prêts à payer pour lire des nouvelles. Pour le roman, c’est tout le contraire : attendre entre un et deux ans pour avoir le résultat fini entre les mains peut parfois s’avérer décourageant. Mais en contrepartie, le lectorat potentiel est beaucoup plus large. Donc, même si les nouvelles m’ont clairement aidé à débuter dans l’écriture, je ne pense pas y revenir. Tous les projets que j’ai actuellement dans mes cartons sont des romans. Pourquoi être indépendant ? Ma première publication a été un recueil de nouvelles. Vu le peu d’attrait des lecteurs pour ce genre, je ne me suis même pas posé la question de trouver un éditeur. Certes, comprendre tous les rouages de l’autoédition m’a demandé pas mal de temps et de recherches, mais quand on a franchi tous les obstacles une première fois, on n’a qu’une envie, c’est de recommencer. Ce que j’ai fait avec mon premier roman. Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce statut ? On décide tout de A à Z pour créer son livre : le format, la couverture, le prix, la taille des caractères et surtout, la date de sortie. Et en ce qui concerne le contenu, on est également libre à 100%. Quand un bêta-lecteur nous fait des remarques, on a le choix de prendre en compte ses conseils… ou pas. L’aspect marketing est également sympa. Si on a envie de créer un objet publicitaire, on n’a pas un financier qui viendra nous expliquer que c’est impossible. À l’inverse, qu’est-ce qui est le plus dur pour toi ? Quand on se lance dans l’autoédition, l’objectif est évidemment de trouver des lecteurs et de vendre des livres. Or, nous sommes des milliers à avoir ce même rêve. Il est donc très difficile de ne pas se retrouver noyé dans toute cette production. Se faire connaître est définitivement la partie la plus difficile et la plus ingrate. C’est malheureux, mais tout auteur qui va se lancer doit savoir qu’il devra consacrer la moitié de son temps à la promotion. Les réseaux sociaux ont

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