Interview Caroline Figueres
Caroline a accepté de répondre à nos questions. Merci à elle ! Tu as été sélectionnée pour ce douzième numéro avec ta nouvelle Un faux bourdon ne fait pas le printemps, peux-tu expliquer sa genèse ? Je suis ingénieur de formation et travaille dans les secteurs de l’eau et des changements climatiques, en particulier dans les pays en voie de développement. Je suis donc particulièrement sensible au thème central de la nouvelle (ce n’est d’ailleurs pas la première qui traite de ce sujet). Depuis de nombreuses années, je m’intéresse également aux aspects de changements de comportement humain. L’adaptation aux changements climatiques demande un changement de nos visions, de nos comportements, etc. C’est également ce que dit le philosophe Bruno Latour : « Il faut réapprendre à exister différemment dans le monde ». Et la question que je me pose tous les jours : « oui, mais comment ? ». Et je pense que je ne suis pas la seule. Alors j’ai voulu écrire une nouvelle pouvant offrir au lecteur une situation dans laquelle il serait amené à s’interroger. Plus à l’aise dans un registre particulier ? De quoi aimes-tu parler dans tes histoires ? Le plus souvent mes nouvelles traitent de sujets sociaux (migration, changements climatiques, technologies) que j’aborde sérieusement (avec un fondement scientifique) et en utilisant l’humour et le décalage pour amener le lecteur à s’interroger. La nouvelle « Un faux bourdon ne fait pas le printemps » en est un bon exemple. Quand et comment as-tu commencé à écrire ? Te rappelles-tu ta première histoire ? Ma première histoire était en fait une pièce de théâtre ! Je devais avoir 9 ou 10 ans. Je l’avais écrite avec une amie. Dans le genre Agatha Christie. Après pendant l’adolescence j’ai écrit des poèmes et un journal intime. Puis beaucoup d’écriture professionnelle et un journal intime. C’est seulement depuis 2015, je me suis mise à écrire de la fiction que j’ai publiée. Plutôt nouvelle ou roman ? Je suis nouvelle à 100 %. J’aime ce genre de récit qui comporte une action unique avec peu de personnages et qui se termine par une chute que je souhaite surprenante pour le lecteur. J’utilise peu de mots pour décrire les personnages : pour cela je fais souvent appel aux clichés et lieux communs, ce qui me permet de tenir un miroir pour le lecteur pour poser la question de certains aprioris. Quel est ton rythme d’écriture ? Je crois que je n’ai pas de rythme véritable, comme certains qui se mettent au travail à 9 h, jusqu’à 18 h, tous les jours avec la régularité d’un métronome. L’envie d’écrire vient par bouffées et j’essaye d’y répondre quand elles viennent, ce que me permet mon travail de consultante, où je suis libre de planifier mon temps. Mais ce n’est pas facile. Au début, je me souviens d’un dimanche de fête où la famille était en visite. Je m’éclipsais discrètement toutes les 30 minutes pendant 5 minutes pour aller écrire des idées à ne pas oublier. Pendant les 25 min suivantes, j’étais assez absente des conversations car je réfléchissais à ce que j’allais écrire, avant de repartir le confier au papier. Ce petit manège a duré 2 heures… Depuis j’ai appris à maitriser ces envies d’écrire… Comment construis-tu ton travail ? La plupart de mes nouvelles sont nées la nuit. J’ai une idée qui me réveille vers 4 h du matin. Je la tourne et la retourne dans ma tête au fond de mon lit. Je cherche des informations sur internet. Je me raconte l’histoire. Je note les points principaux qui me semblent utiles, drôles, intéressants. En général au bout de deux heures de ce petit travail nocturne, je me rendors, la tête vidée et en général satisfaite du résultat. Lorsque je me lève le matin, je relis mes notes ou je les relis 3 jours après en fonction de la disponibilité. Le degré de satisfaction est alors différent ! Je garde certaines choses écrites. Mais je jette beaucoup. Inversement, il m’est même arrivé de retrouver des notes dont j’avais oublié que je les avais prises… J’écris donc parfois dans un état second, comme dans un rêve ! J’aime bien les concours de nouvelles qui doivent commencer par une phrase donnée. Une fois que j’ai le thème dont je veux parler, j’imagine la chute qui va désarçonner le lecteur, le prendre à contre-pied. Alors, je me raconte l’histoire, dans ma tête, entre cette première phrase et la chute, jusqu’à ce que je trouve le ton juste pour créer l’émotion ou que le texte imaginé me fasse rire/sourire. Ensuite seulement je mets la nouvelle par écrit. Puis polissage et réécriture bien sûr ! Pourquoi être indépendante ? Lorsque j’ai commencé à écrire début 2015, je n’étais pas sûre d’arriver au bout du projet. Certaines personnes dans mon entourage professionnel avaient du mal à croire que j’arrêtais de travailler pour écrire de la fiction. J’ai donc attendu d’avoir écrit toutes les nouvelles pour pouvoir les présenter à des lecteurs professionnels/éditeurs. En un an j’avais écrit 16 nouvelles qui se passaient sur une petite plage du sud de la France. Je souhaitais publier avant l’été pour que les lecteurs puissent le lire sur la plage, pendant leurs vacances. En bonne novice de l’écriture de fiction, je suis allée faire un tour au salon du livre de Paris pour rencontrer des éditeurs (C’était au mois de mars 2016). Les « petits » et « moyens » éditeurs étaient intéressés par ce que j’avais écrit mais avaient de bonnes raisons pour ne pas publier mon livre : « un recueil de nouvelles ne trouve pas de lecteurs », « pas notre genre », « on se concentre sur les auteurs que nous avons déjà ». Quant aux « grands », ils étaient à ma surprise, assez absents du Salon (il y a surtout des libraires qui vendent leurs livres). Et ceux qui y étaient avaient cette très belle réponse : « Mais madame, vous n’y pensez pas ! Si vous voulez être publiée avant l’été, nous devons avoir votre manuscrit en novembre au plus tard ! » Alors au salon de Paris, j’ai fait le tour des « maisons/plateformes d’autoédition » et j’ai découvert un monde que j’ignorais complètement. Et j’en ai choisi une qui correspondait à mes besoins. Qu’est-ce qui te plaît le plus