Interview Audrey Lys
Audrey a accepté de répondre à nos questions. Merci à elle ! Tu as été sélectionnée pour ce quatorzième numéro avec ta nouvelle Tij et la dame aux galettes, peux-tu expliquer sa genèse ? C’est une genèse un peu particulière puisque l’idée de cette nouvelle m’est venue après une étude de document en cours de géographie… pas le plus inspirant, habituellement ! Et pourtant j’ai été saisie par la photo satellite de la ville de Tijuana-San Diego. C’était pendant le premier mandat de Trump, ce qui m’a vraiment poussée à personnifier cette ville fracturée. Malheureusement, quelques années plus tard, c’est encore plus d’actualité. Plus à l’aise dans un registre particulier ? De quoi aimes-tu parler dans tes histoires ? En termes de registre je pense que je suis assez polyvalente. J’ai quelques projets au ton humoristique, d’autres plutôt mélancoliques, d’autres horrifiques. Je pense que je suis quand même la plus à l’aise dans le drame, qui est aussi le registre que je préfère en tant que lectrice. Pour mes thématiques favorites, c’est une question complexe puisqu’elle a évolué au fil du temps. L’intégrité de la psyché et son fractionnement sous l’influence de traumatismes est quelque chose que l’on retrouve souvent dans mes écrits. Dernièrement, j’ai aussi beaucoup été inspirée par la sociologie du genre, des rapports de domination sociétaux, etc. Enfin, je dirais que ce qui se retrouve le plus souvent dans mes histoires c’est la nature, les animaux, puisque c’est une vraie passion pour moi. J’aime montrer la nature dans toute sa diversité et ses nuances. Quand et comment as-tu commencé à écrire ? Te rappelles-tu ta première histoire ? J’écris depuis que je sais écrire, je crois. Ma première histoire s’appelle « La légende du tigre volant ». Je devais avoir huit ans, et j’ai combiné mes deux animaux préférés de l’époque : le tigre et l’aigle, dans une espèce de conte inspiré du Livre de la Jungle. De ce que je me souviens, c’était assez lunaire ! Cela dit, j’ai commencé à écrire sérieusement à treize ans, au moment où j’ai achevé le premier jet de mon premier roman. C’est une histoire de vampires au ton plutôt humoristique inspiré par Indiana Teller de Sophie Andouin-Mamikonian. Quel est ton rythme d’écriture ? Ça a beaucoup changé en fonction des périodes. Quand j’étais en Terminale, j’avais le feu sacré, je courrais à 5000 mots par semaine pendant des mois. Maintenant, c’est beaucoup moins, et surtout c’est assez erratique du fait d’une IRL chargée. Ces dernières années, j’écris 70 k par an environ, sans compter les réécritures. Soit à peu près 1000 à 2000 mots par semaine hors des périodes de pause. En principe, j’écris un premier jet, je le laisse décanter entre un et trois ans, puis je le réécris, et je laisse décanter de nouveau. Comme j’écris un peu tout le temps, j’ai des projets d’écriture et de réécriture tous les ans. Comment construis-tu ton travail ? Tout commence par une idée, un concept. J’en ai souvent, mais peu se développent réellement en histoires. Je prends des notes dans un carnet dédié, puis je fais le plan par chapitre de l’intrigue. Maintenant, j’utilise aussi la méthode des « 4 piliers » : univers, personnages, intrigue, thèmes, que je décris tour à tour (plutôt sur l’ordi). Une fois la phase préparatoire terminée, le projet intègre la longue liste d’attente des livres en attente d’écriture. Je fais un plan par chapitres pour structurer l’intrigue. Puis vient l’écriture du premier jet, sur une période que je définis mais que je dépasse souvent, par ordre chronologique des chapitres (je n’écris jamais la fin avant le début). Ensuite, je le fais lire par plusieurs personnes jusqu’à ce que j’aie assez de matière pour le réécrire. Je fais un plan de réécriture en trois parties : ce qu’il faut supprimer, ce qu’il faut ajouter, ce qu’il faut modifier. Après, je ne dirais pas que le travail est fini puisque le cycle lecture/réécriture peut se poursuivre plusieurs fois. Plutôt nouvelle ou roman ? Novella x) Je suis du genre à écrire soit trop petit, soit trop grand pour les limites moyennes des maisons d’édition. Techniquement, ce que j’ai écrit le plus depuis dix ans, ce sont des nouvelles. En nombre de mots, des romans. Mais j’ai une certaine appétence pour les novellas, donc un format hybride. Pourquoi être indépendante ? Pour avoir la main sur mon livre de A à Z, surtout sur des projets qui me tiennent particulièrement à cœur. En fait, j’aime bien faire des couvertures et poster sur les réseaux sociaux, j’apprends tout le temps de nouvelles choses. Cependant, si je suis indépendante pour l’instant, je me destine plutôt à être hybride. Je choisis avec soin le devenir de mes écrits : AE ou ME, en fonction de plusieurs facteurs. Par exemple, est-ce que ce projet entre dans un genre précis demandé par les ME ? Est-ce qu’il n’est pas trop court ou trop long ? Est-ce que je veux garder la main sur la couverture et le marketing ? J’auto-édite souvent plus par passion et par envie de partager des choses que par volonté de gagner de l’argent, puisque j’ai un métier à côté. Cela me permet d’être plus libre que les ME qui ont une obligation de rentabilité. Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce statut ? La liberté qu’elle offre et la polyvalence des compétences associées qui nous font découvrir toujours plus de choses. C’est un statut où l’auteurice a vraiment une place centrale et la pleine maitrise de son œuvre. À l’inverse, qu’est-ce qui est le plus dur pour toi ? Le temps et l’énergie nécessaire pour assurer la communication, et le peu de résultats qui découlent de tous mes efforts. C’est dur, mais je me le répète souvent : je fais tout ça pour moi, parce que j’ai envie, pas parce que j’en attends quelque chose. Quel type de lectrice es-tu ? Du genre qui n’arrive pas à lire autant qu’elle le voudrait. Je suis devenue assez lente et compliquée depuis quelques années. Je ne sais plus trop ce que j’aime et je peine à finir les livres que j’ai entamés. Enfin, ça va un peu